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Le vol d’œuvre d’art

« Un bien culturel est un bien qui participe à la transmission de la mémoire d’une communauté sinon même de la Nation. Le pillage, le vol, la destruction de ces biens sont des atteintes aux fondements même de cette communauté ».

Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture de la Communication, pour la rédaction d’un guide pour la sécurité des biens culturels

Le vol d’œuvre d’art est une infraction au code pénal. Ce n’est pas une infraction propre, car elle est rattachée celle du « simple » vol, inscrite à l’article 331-1. Il s’agit de « la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ». Un individu dépossède une personne de son bien, une œuvre d’art, de manière frauduleuse, c’est-à-dire sans son accord voire à son insu, pour se l’approprier et agir comme s’il en était le vrai propriétaire. Il va ensuite procéder à la vente de ce bien dans la plupart des cas. L’individu dépossédé va donc déposer plainte pour vol, une enquête débute pour retrouver la trace du bien, et s’il n’est pas encore sorti du territoire, il peut être facile de remettre la main dessus. Cependant, le cas est rare. En effet, deux problèmes peuvent venir compliquer l’affaire. Premièrement, le vol se prescrit par 6 ans à compter du jour de la commission de l’acte[1], s’il n’y a eu aucun acte d’instruction ou de poursuite entre temps, ce qui est relativement peu. Deuxièmement, le vol d’une œuvre d’art mène, dans la plupart des cas, à une situation juridique internationale.

Plusieurs évolutions ont vu le jour depuis quelques années, notamment concernant la répression des actes touchant le patrimoine culturel national. Le code du patrimoine a été promulgué lors d’une ordonnance de 2004[1], ce qui est relativement récent. Afin de protéger l’héritage culturel français, le législateur a donc décidé de modifier certaines dispositions du code pénal, du code de procédure pénale, ou encore du code civil, en application des dispositions du Code du patrimoine. Les infractions pouvant être retenues en matière de trafic d’œuvres d’art, telles que le vol, la dégradation ou l’aliénation, ont été agrémentées de circonstances aggravantes, notamment avec la réforme du Code pénal de 2008. Ainsi, le Code pénal prévoit désormais que le vol est puni de 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende lorsqu’il porte un objet classé ou inscrit en application des dispositions du Code du patrimoine, des archives, des découvertes archéologiques, ou encore un bien mobilier qui relève du domaine public[2]. Si le vol porte sur un bien culturel, et qu’il a été commis en pénétrant dans un entrepôt par l’usage de la ruse, la peine sera portée à 10 ans d’emprisonnement et 150 000€ d’amende.

Faisons un petit tour d’horizon des vols d’œuvres d’art qui ont marqués l’histoire !


Le Caravage toujours porté disparu

La Nativité avec saint François et saint Laurent, Le Caravage, 1609, Huile sur toile, 298 × 197 cm

La Nativité avec saint François et saint Laurent du Caravage a été volé en 1969. Cette huile sur toile, conservée pendant près de 350 ans à l’oratoire Saint-Laurent de Palerme a été découpée de son support dans la nuit du 17 au 18 octobre 1969. C’est notamment cette affaire de vol qui a mené à la création d’une brigade policière italienne spécialisée dans les œuvres d’art. Pour beaucoup, l’hypothèse du vol commandité par la mafia sicilienne reste la plus probable. Ce chef-d’œuvre n’a toujours pas été retrouvé.

Le casse du Musée des Beaux-Arts de Montréal

En 1972, 18 peintures et 38 bijoux anciens ont été subtilisés. Les trois voleurs auraient profité de travaux dans le musée et du débranchement des systèmes d’alarmes pour s’introduire à l’intérieur. Dans les tableaux volés, on peut trouver des Rubens, Rembrandt, Delacroix, Millet, Jan Davidsz de Heem, etc. L’ensemble est estimé à l’époque à 2 millions de dollars. Aujourd’hui, un seul a été retrouvé, de Jan Brueghel l’Ancien.

L’unique marine de Rembrandt dérobée

Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée, Rembrandt, 1633, Huile sur toile, 160 × 128 cm

Encore un casse digne d’un film hollywoodien. Le 18 mars 1990, au musée Isabella Stewart Gardner de Boston, deux voleurs déguisés en policiers entrent dans le musée et s’emparent de 11 toiles. Trois Rembrandt, un Vermeer, un Manet, cinq dessins de Degas et un Flinck. En plus de cela, ils repartent avec un aigle ayant appartenu à Napoléon et un vase de la dynastie Shang… Un des Rembrandt, Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée, est estimé à 500 millions de dollars. Aucune des 11 œuvres n’a été retrouvée à ce jour.

Le vol le moins discret de l’histoire

Figure Allongée, Henry Moore, 1970, bronze

Le vol de la statue d’Henry Moore, en 2005, restera probablement le plus spectaculaire du monde l’art. Cette sculpture, estimée à 3.4 millions d’euros, mesurait 2 mètres de haut et pesait pas moins de 2 tonnes. Elle fût subtilisée dans les jardins de la Fondation Henry Moore, et d’après les caméras de surveillance, il n’aura fallu aux voleurs que 10 minutes, deux 4×4, un camion et… une grue. Elle aurait ensuite été revendue pour être fondue, pour une modique somme.

Un vol en pleine pandémie

Jardin du presbytère de Nuenen au printemps, Vincent Van Gogh, 1884, Huile sur toile, 25 × 57 cm

Fermé en raison de la pandémie du Covid-19, le musée Singer Laren d’Amsterdam s’est fait voler le 30 mars 2020 cette toile de Van Gogh, en pleine nuit. Un mystère plane sur cette affaire, car, coïncidence ou non, il est survenu jour pour jour 167 ans après la naissance de l’artiste, le 30 mars 1853.

Il existe beaucoup d’autres vols d’œuvres d’art à travers le monde, tous plus impressionnants les uns que les autres !



[1] Article 8 du Code de Procédure Pénale : « L’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise », Modifié par la loi n°2017-242 du 27 février 2017 – art. 1

[2] Article 311-4-2 du Code Pénal

[3] Ordonnance numéro 2004-178, du 20 février 2004

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